Analyse du sujet « Le silence ne dit-il rien ? »
Le silence c’est l’absence de bruit. Tout bruit n’est pas porteur d’une signification. Tout silence non plus. Le silence c’est l’absence de paroles. La parole c’est l’utilisation personnelle du langage destinée à communiquer aux autres nos pensées. La parole est « signifiante ». Le silence apparaîtrait quand nous avons fini de parler, quand « tout est dit ». Donc le silence là encore se définit par l’absence : Si le sens passe nécessairement par la parole, alors le silence est absence de sens.
Mais cet énoncé nous invite (par sa formulation négative) à dépasser cette première approche : Malgré les apparences, le silence peut-il « dire quelque chose » ? Que dit-il ? Le dit-il à notre insu ? Ou est-ce un usage volontaire, maîtrisé ? Le silence pourrait alors devenir un outil de communication au même titre que les mots … Mais est-il vraiment en mesure de remplir ce rôle ? Le langage est un système de signes dont le sens est codifié, est-ce le cas pour le silence ? …
1°) Penser que le silence peut exprimer quelque chose manifeste nos doutes sur le langage lui-même : Le langage permet-il de tout dire ? Echoue-t-il dans sa fonction d’expression et de communication ?
C’est l’analyse de BERGSON (philosophe français , XXème s) : L’utilisation du langage déforme ce que vit notre conscience :
Quand on ressent quelque chose, en particulier une sensation, un sentiment, on cherche à l’exprimer par des mots : Mais ces mots vont enfermer, figer ce que nous ressentons : Notre sentiment va perdre son originalité, son caractère variable, personnel :
Le mot, écrit BERGSON, « a des contours bien arrêtés », il est « brutal », il «emmagasine ce qu’il y a de stable, de commun, et par conséquent d’impersonnel dans les impressions de l’humanité » , il « écrase ou tout au moins recouvre les impressions délicates et fugitives de notre conscience individuelle ».
Alors ne vaut-il pas mieux parfois se taire plutôt que de dénaturer un sentiment par des paroles inappropriées ? C’est ce que nous faisons parfois dans le chagrin ou l’amour, car nous nous rendons bien compte que les mots ne peuvent pas traduire toutes nos émotions, tous nos sentiments.
(Selon BERGSON seuls les romanciers, les poètes sont capables de dépasser ce caractère impersonnel du langage et de se l’approprier pour exprimer quelque chose de réellement personnel.)
2°) On peut parler et ne rien dire !
Parler en répétant bêtement ce que l’on dit autour de nous (= faire du « psittacisme », du mot latin « psittacus » : le perroquet !). Dans ce cas le silence aurait peut-être plus de valeur que la parole !
Sur un problème très grave, le silence fait parfois peur : On essaye de le « meubler » en parlant à tort et à travers ... mais certains d’entre nous se rendent bien compte de l’inutilité de toutes ces paroles : Ce peut être le sens du recueillement ou de la compassion : Une présence muette vaut mieux que de longs discours.
3°) Le silence c’est aussi ce qui peut donner sens aux mots :
Au théâtre, l’acteur ménage des silences après des paroles importantes, même chose pour un orateur : Le silence donne un poids aux paroles qui viennent d’être prononcées. Sans les silences, les mots seraient peut-être incompréhensibles.
4°) « Se taire c’est encore parler » écrit SARTRE : Le silence peut avoir de multiples significations :
silence de réprobation, d’encouragement, de mépris, silence complice, menaçant … Le problème c’est d’en déchiffrer le sens : Le silence ne peut constituer une sorte de langage car il est sujet à des multiples et variables interprétations. Le silence dit bien « quelque chose » mais il ne peut pas se substituer au langage, mais plutôt nous faire prendre conscience de ses limites et de ses carences.