Quelques références utiles :
Olivier LECOUR-GRANDMAISON, Haines, philosophie et politiques (au CDI du lycée)
SPINOZA, L'éthique,
ARISTOTE, De la réthorique,
H.ARENDT, Du mensonge en politique,
W.JANKELEVITCH, L'ironie.
Spinoza dénonce la morale "doloriste et ascétique" des théologiens et des moralistes (c'est à dire une morale qui valorise la douleur, l'absence de plaisirs, l'oubli de soi). Pour eux, le rire est un péché, la manifestation du diable.
"Malheur à vous qui riez, maintenant vous connaîtrez le deuil" (St Luc) :
Ici il y a une association entre le rire actuel et une souffrance prochaine : Ce sera comme une sanction pur la joie qu'on éprouve maintenant.
Le rire de ces moralistes est un rire de mépris pour ceux qui ne vivent pas comme eux, un rire d'envie (Spinoza dénonce les "envieux", ceux qui se réjouissent du malheur des autres).
Pour Spinoza (philosophe hollandais du 17ème siècle) au contraire, le rire, la plaisanterie sont des expressions de la joie, une défense contre la mélancolie.
Le rire est le contraire de la soumission, de la résignation.
C'est un instrument de résistance, de libération, une valeur démocratique :
Rire c'est relativiser certaines choses, remettre les choses à leur juste place, par exemple les marionnettes des Guignols de l'info ou les caricatures des dessinateurs de presse comme Plantu qui, par leurs exagérations, montrent parfois le caractère dérisoire de certains comportements des politiciens.
Pour Hanna Arendt (philosophe américaine du 20ème siècle) le rire est "la menace la plus redoutable pour l'autorité".
la soumission c'est le respect (guidé par la peur), c'est le silence.
Le rire c'est le contraire :
Par exemple rire face à un supérieur, c'est lui dire que sa supériorité et la crainte qu'elle engendrait, sont à présent sans effet sur nous.
Le rire nous donne donc une grande force, car le rire destabilise celui qui est en face de nous.
Aristote propose de "détruire le sérieux des adversaires par le rire".
Pour lui aussi le rire est un défi à l'autorité.
c'est une manière d'exprimer son désaccord sans violence (par exemple si je ris lorsqu'on veut me faire exécuter un ordre absurde).
Aristote pense que le rire enraye le mécanisme de domination, il remet les gens à égalité.
Hèlas on n'ose pas toujours rire dans ces situations !
Sur ce sujet, le roman de Michel TOURNIER "Vendredi ou les limbes du Pacifique" illustre très bien ces théories : Le sauvage Vendredi rit devant les règles de vie que Robinson Crusoé veut lui imposer : En riant, il destabilise l'autorité de Robinson. Il l'oblige à se rendre compte de l'inutilité de ces règles dans une "société" formée de seulement 2 personnes ! Sous l'effet de ce rire "destructeur", Robinson abandonne
et leur relation commence à devenir égalitaire ...
Wladimir JANKELEVITCH, (philosophe français d'origine russe, 20ème siècle) insiste sur le lien entre le rire et l'ironie. Il nous renvoie à l'ironie de Socrate : Ce procédé permettait à Socrate par une série de questions de destabiliser son adversaire et l'amener à se contredire (voir notamment le dialogue avec Mélétos sur l'éducation dans "L'Apologie de Socrate" de Platon.